Quire
LE GOÛT DU SANG
Liquide sombre inondant mes artères
Epais et salé, si fin au goûter
Et chargé de cette force mystérieuse et glacée
Qui nous mène au-delà de nos rêves
Je savoure cette écume interdite
Comme on jouit d'un profond soupir
En vampire inconscient de sa propre misère
Les ongles enfoncés dans la chair claire et tendre
Mon sang a jailli et je le mêle au tien
Gouttant sur la pierre éternelle et glacée
Nos liquides mêlés y creusent un sillon délicat
Une rigole de vie au sein de ce Néant sublime
Etendu près de ta plaie béante, en douceur
Je porte la coupe à mes lèvres glacées
Graal souillé de ta vie, il inonde la mienne
Mes veines glonflent en aspirant ta sève
Mes côtes brisées subliment ta douleur
Et mon âme irriguée contemple ta pâleur.
Allongé près de toi j'absorbe ta chaleur
C'est ton sang bouillonnant qui fait battre mon coeur.
Quire
LE CHANT DES SIRÈNES
J'ai refusé de partir tout au long de ma vie
Et j'ai traité de fous ceux dont c'était l'envie
J'ai pensé si longtemps qu'on apprend à marcher
Pour tourner simplement dans une cage dorée
Je suis resté derrière quand tout le monde est parti
Je suis resté assis sans rien faire de cette vie
Persuadé que les histoires se lisent dans les livres
Je n'ai trouvé que l'alcool pour me sentir enfin ivre
Le chant des sirènes est arrivé trop tard
Il a créé la haine à la place de l'espoir
Je trépigne toujours à regarder au loin
Je ne sais plus quoi faire, j'en ai soif, j'en ai faim
On m'a abandonné, moi, l'égocentriste
Sans même se demander pourquoi j'étais si triste
Je me suis enfermé dans un profond silence
A penser au passé, à ressasser ma science
J'ai enfin décidé que je devais partir
Je me suis embarqué pour ne plus revenir
J'ai rejoins mes sirènes au fond du canal blanc
Elles me soignent, elles m'aiment, elles mettent fin au tourment.
Quire
l'éternité ne ternit que trop les thermes
et l'eau clapotante clip clop m'éclabousse
tandis que les tambours tintamarrent
le tintement léger de l'onde teinte mon histoire
LE PHARE
Tes yeux sont des cristaux d'argile fendus
Contemplant les nuées au-delà de mes rêves
En leur sein je ressens le principe de cette sève
Qui s'écoule dans tes veines sans aucune retenue
Tes pupilles sont les constellations de mes nuits
Elles me guident au-delà de mes doutes
Sur les sentiers amers de la vie.
Le blanc de tes yeux, strié de ton sang
Est un dédale mystérieux
Comme les cris d'un enfant
Tes yeux sont des cristaux d'argile fendus
Pourfendant le Néant
Ils me sauvent des démons
Qui m'assaillent jour et nuit
Il sont le phare de mes pensées
Au sein de l'obscurité.
Quire
LES COULOIRS
Je m'enfonce toujours plus dans le dédale obscur
Contemplant effrayé l'enchaînement des salles
J'avance doucement, ma vision devient pâle
Au fond de moi résonnent ces lugubres murmures
Les suppots de ces lieux ont la conscience vague
Plongés dans les calculs ils en oublient l'humain
Leur logique implacable avance sans dessein
Administration morne qui sait tuer la flamme
En proie au chaos l'homme seul est dénudé
Enfermé en son être le doute lui fait peur
En groupe la logique lui sert de bouclier
L'édifice implacable se rit de tous les heurts
Le papier dans ma main ne m'est d'aucun secours
Face au monstre effroyable qui hante les couloirs
Malgré ma force vive, je perds lentement espoir
L'abandon pur et simple devient l'issue fatale
Je tourne les talons et je fuis la bataille.
La machine devenue folle bien trop souvent s'emballe
Et écrase sans pitié la magie sous ses lois
L'individu broyé par cette force brutale
Ne voit plus que la haine pour lui ouvrir la voie
Je patiente solitaire bien en vue du troupeau
Que ma terrible et folle colère s'abatte sur mes bourreaux
Mais enfin résigné je me remets au rang
Pour attendre mon tour jusqu'à la fin des temps
Quire
NATURE
Dans un roulement vague, la mer s'acharne
Mère de la vie, océan de la mort
Rêve de paix et d'amour
Qui s'étend à l'infini
Partir sur les flots c'est mourir par la mer
Un suicide programmé jamais déçu
Pas de survie, aucune chance
Juste un retour au royaume de l'enfance
A l'époque où, sans âme, la Terre
Vomissait de ses sillons ce qu'elle avait de pire
Où dormaient les monstres et cauchemars
Dans le vide, le délire, la nuit noire.
~Quire (Jeremy Pignat)~
Sa maxime, de Lautréamont :
_________________
Beau comme le tremblement
de la main d'un ivrogne.
_________________
NÉCROPHAGIE
Parfois le gouffre sombre m’offre d’alléchants festins
Des souvenirs, des ombres que mon esprit avale
Il en fait des heureux, des héros en cavale
Des ennemis peureux qu'on élimine sans fin
Les yeux rougis de sang, j’observe la mixture
Souvent trop lourde, sans saveur et sans son
Parfois superbe de beauté sans affront
Les monstres se relèvent si merveilleusement
Et le mal me frappe alors d’un poing rageur
Il regarde impuissant ma douleur
De cette armure que me tissent les rêves
Les fantômes de souvenirs m’offrent une ultime trêve
Je me fonds si lentement dans le gouffre obscur
Et mon âme qui rayonne sans vraiment être pure
Qui ressuscite les morts et enterre les vivants
Qui a foi dans l’esprit et se défie du temps !
~Quire (Jeremy Pignat)~
ON A BEAU DIRE
On a beau dire qu'on les aime
On déteste les poètes
On déteste les poètes parce que
Eux-mêmes se détestent
Comment pourrait-on les aimer ?
On déteste les poètes
Ils rendent les choses plus complexes
Quand on voudrait les simplifier
Ni guides, ni compagnons
On croit enfin les saisir
Et leur fumée nous reste entre les doigts
On déteste les poètes !
On a beau dire qu'on les aime
On déteste les artistes
On déteste les artistes parce que
Leur ego est au-delà du naturel
Leur vision modèle le monde
Intellect plus fort que les sens
On déteste les artistes
Leur oeuvre les transcendent
Eux disparaissent dans le Néant
Mais leur oeuvre est immortelle
Et on n'aime pas l'immortel
Contre l'Ordre Naturel
On déteste les artistes !
On a beau dire qu'on les aime
On déteste les humains
On déteste les humains parce que
Au plus profond de la misère
Ils ont cette lueur d'espoir
Qui les maintient toujours en vie
On déteste les humains
Dès lors qu'ils savent parler
Il deviennent poètes
Et on déteste les poètes
Dès lors qu'ils savent penser
Ils deviennent artistes
Et on déteste les artistes
Dès lors qu'ils savent rêver
Il deviennent humains
Et on déteste les humains !
Jeremy Pignat
PAYSAGE DE SOURD
La bête qui me gouverne chaque fois me lance
Et chaque heure un peu plus ma confiance s'enfonce
Je vois mes rêves qui transpirent mes yeux se ferment
Ma réalité chavire, ma conscience germe
J'attend le réveil
Mes sens sont à ce point assoupis, amaigris
Après cette longue période hivernale
Que leur appétit me transperce sans merci
Je pense trop souvent qu'il me sera fatal
Et je deviens sourd à leur supplique brutale
Je cherche en moi la graine dans le décor
Derrière le masque le véritable ego
Cette bête qui m'assaille, me dévore
Je la pourchasse par delà les flots
Je l'anéantirais en me détruisant
Au sommet de mon être je verrais mon âme
Rayonner quelques secondes tandis que mon corps meurt
Prisonnière symbiotique de mon profond mal
Elle sombrera dans la même torpeur
~Quire (Jeremy Pignat)~
PENSEE SUR LES CITES ENGLOUTIES
Perdu dans mes pensées je réalise combien
Ces temples foudroyés sont une image forte
Si souvent identiques à l'idéal humain
En grandeur, décadence, pour finir âmes mortes
Aujoud'hui ces titans enfouis au fond des eaux
Souvenirs douloureux d'une époque de gloire
Nous ramènent sans cesse à ce jour où les maux
De la médiocrité ont fait sombrer l'espoir
Jeremy Pignat
PRIMITIF
Loin des rythmes violents et faciles
résonnent les musiques sensuelles
Aux reflets doux et graciles
Au mouvement lent, éternel
Comme un souvenir lointain
Enfouies en nous jusqu'à la fin
Vibrent les ondes immortelles
De ce primitif qui sommeille
Ces souvenirs instinctifs
Naturellement nous ensorcellent
Commes toutes ces danses mystiques
Simples, profondes et belles
Ces luttes sauvages inscrites en nous
Cette vision toujours plus floue
De notre existence animale
Dans notre vision infernale
~Quire (Jeremy Pignat)~
RESISTANCE(S)
Résistons
Parce que le monde est en guerre. Sans qu'on en ait conscience, une armée
invisible nous piétine et foule nos droits, la plus insidieuse des armées car
elle n'a pas conscience d'en être une.
Résistons
Parce qu'Orwell avait fixé la date juste un peu trop tôt. On nous espionne, on
nous dissèque sans aucun état d'âme pour nous ôter toute liberté.
Lentement, Publicité, Information et même Communication nous enferment dans un
carcan aux pointes si acérées qu'on n'ose plus bouger.
Résistons
Parce qu'on nous enseigne à ne pas résister, à la fatalité. Les logiques du
pire et du nivellement par le bas ne sont pas les seules options. Refusons le
syndrôme de Stockholm envers ceux qui nous prennent en otage : leurs méthodes
sont à la hauteur de leurs idées.
Résistons
Parce qu'il est encore temps et que le temps s'écoule. Il est encore temps
d'affirmer que tout peut changer, il est encore temps de tourner la vis dans
l'autre sens pour ne plus l'enfoncer.
Résistons
Parce qu'on ne peut pas les laisser gagner. Ne les laissons pas nous cracher au
visage leur cynisme et leur complaisance, leurs dieux belliqueux et leur
technocratie. Si on ne lutte pas, on accepte leur logique : peut-on alors
supporter notre reflet ?
Résistons
Parce qu'il faut résister pour rester humain. Parce que le monde qui se crée
sur nos vices n'est pas à notre image. Parce que notre ombre est en train de
masquer notre lumière. Parce qu'un Homme quel qu'il soit mérite le respect du
seul fait d'être un Homme.
On ne bâtit pas un monde en vômissant sur ses fondations.
Résistons.
Jeremy Pignat
LE ROI AVEUGLE
1 – Choeur et Fatalité
Chaque chose qui débute verra un jour sa fin
Parfois drôles, toujours tragiques les récits s'enchaînent
Comme les pièces d'un échiquier vivant.
Derrière nos masques on les observe
Ces dieux faits hommes, ivres de leur pouvoir
Qui s'accrochent à leurs jeux dérisoires
Quand leur propre destin leur échappe
Caché dans l'ombre, ce “on” impénétrable les observe
Déroulant la trame de leur tragédie
Plus misérables encore que ces pantins qu'ils agitent
Sans agir on observe et on commente
On dévoile la fin dans son ineluctable :
il deviendra aveugle pour refuser de voir
Les aiguilles crevant la chair le libèrent d'un fardeau
Et dans sa cécité, comme Tiresias, il les voit qui ricanent :
Des larmes de sang s'écoulèrent de ses orbites vides.
Comme Sycione paraît loin, même dans les épreuves
Et Thèbes rayonnante sombrant dans la noirceur.
Il songe à Cadmos qui bâtit la cité
Que ses descendants abattront
De même que sa lignée.
Alors que pointe le crépuscule des dieux
Celui qui fut roi devient pauvre mendiant
Aveuglé par sa gloire, libéré de ses actes
Il repense aux vagues enfouies dans son passé
Alors même que tout était écrit.
2.Sycione
Déjà,
Dans le lointain je ressens les embruns de la mer,
Le vent délicat qui remue mes cheveux
Et ce sable si fin qui glisse entre mes doigts
Oh, ma belle cité, sans te connaître je t'aime déjà
Je vois les murs blancs quand je suis dans tes bras
Je ne pleure pas même si j'ai si faim
La seule vue des pavés apaise ma souffrance
Je préssent déjà quelle sera mon enfance
Déjà,
J'aime ces parents qu'on m'a improvisé
Et cette province que j'imagine oubliée
De ces dieux, les yeux braqués sur Thèbes
Ils piaffent d'impatience qu'arrivent les ténèbres
Et quand mes yeux d'azur se tournent vers l'astre
Je ressens leur colère au coeur de mon berceau
Au sein de ma nourrice le lait est si pauvre et si amer
Je lui préfère le subtil goût salé de la mer
Déjà,
Je sais que le tribut du bonheur sera lourd
Quelques années de paix pour des siècles d'horreur
Au coeur du creuset, j'en ignore la raison
La main du bourreau tient déjà le pilon
Sycione, ma belle cité, tu remplaceras mon coeur
Ma dernière étincelle lorsqu'approchera la fin
Lorsque les dieux misérables auront fait mon malheur
Tu seras la lumière au sein de ma noirceur.
SOLITUDE
Où que porte mon regard il n'y a que des fantômes hagards
Et je me traîne au milieu de ces ombres
J'essaye de lutter pourtant...
Je me bats pour exister mais je sens que je m'enfonce
Chaque jour un peu plus dans le bitume
Et aussi sombre que lui, enchaînée en moi-même
La plume que je croyais mon épée n'est finalement qu'une ombre
Prise au piège dans ma chair
Je redeviens amer
Je ne suis qu'amour pourtant mais le trop-plein m'égare
Les flammèches brillent pour moi comme des soleils
Et lorsqu'elles vacillent ou s'éteignent
C'est le froid qui envahit mon coeur
Alors je tremble à l'idée qu'elles s'allument
De peur que mon univers se consume
Je reste seul à ne jamais parler
J'ai si peur du rejet, de la fatalité
J'ai même peur de mes rêves de paumé
Je me sens seul, j'ai beau en avoir l'habitude
Rien n'est plus dur que l'ennui noyé dans la solitude.
Quire
PETITES NOTES
Voilà le temps qui s'égraine en fragments
Comme les vestiges des vies passées
Qui s'évertuent à nous hanter
Quand on s'égare dans le présent
Le temps se fond lentement, doucement,
En petites touches tristes ou gaies
Même si son but nous effraie
On respecte son tempo nonchalent
Le temps s'écoule en petites notes
Tic tac timides tintements
Comme les prémisses d'un mouvement
Alors même que nos doigts pianotent
Sur le clavier de ces pensées
Qui nous échappent si souvent
Douce mélodie du temps qui passe
Cette entropie inéluctable
Qui nous mènera au Néant
Même si notre divine carapace
Laisse entrevoir l'éternité
Pour cette pauvre humanité
Egarée dans un repli de l'espace
Et du temps
Le temps qui s'égraine en fragments.
Quire
RÊVE EN SEPTEMBRE
Je me souviens qu'avant
Je rêvais en Septembre
Le ciel d'Aout dans les yeux
Je me voyais partir pour affronter le monde
Mes cauchemars se diluaient
Dans le plaisir de la rentrée
Tout pouvait recommencer
C'était si simple et pourtant si parfait
Je me souviens qu'avant
J'espérais en Septembre
Secrètement
Que l'année à venir
Serait mon sacrement
Le silence couvrirait le passé
Je n'espère plus en Septembre
Je ne vois plus l'avenir
Le passé aujourd'hui m'encombre
J'attend que tout se termine
Je ne rêve plus en Septembre
Le ciel gris devient l'écho de mes pensées
Est-il trop tard pour tout changer ?
Quire
VALENTINE
Je suis resté sous ta fenêtre
Pendant des jours, pendant des siècles
J'ai attendu que tu répondes
Je n'ai pas même vu ton ombre
Valentine j'ai tant rêvé de toi
Ma tête est hantée par le son de ta voix
Valentine je devrais mourir pour toi
Pour qu'enfin tu te tournes vers moi
Je me suis promené au bord du fleuve
Et j'ai regardé les eaux profondes
Valentine, j'ai vu ton reflet dans l'onde
Embrasse-moi avant de devenir veuve
J'ai enfin touché tes lèvres glacées
Et dans le fleuve me suis jeté
Finalement je ne suis pas mort en vain
J'ai senti l'odeur de ton parfum
Quire
L'AUBE
Il y a ces lueurs qui scintillent dans le lointain
Comme des phares guidant dans les nuées
Les navires aux mâts noirs vers le Néant
Ce grouffre amer qui engloutit les Hommes
Il y a ce vent glacial qui balaie incessamment le sable
Ces rafales turbulentes qui donnent à la lune
Cet aspect tamisé et subtile, ce voile mystérieux
Qui la rend toujours plus belle
Il y a mon regard qui scrute à travers les nuées
Ignorant les lueurs et les rafales
A la recherche des éclats du jour disparu
Depuis toujours enfoui au fond des flots
Le souvenir du soleil aveugle encore mes yeux
De ma mémoire jaillit sans me guider
Le rêve de ces dieux morts peuplant l'humanité
Leurs ombres décharnés m'entraînent vers le large
Je m'aggripe à ce radeau de fortune
Sur les remous des âmes pernicieuses
De tous ceux qui sussurent et intriguent
De ceux qui me poussent à regagner le bord
Je me mets sur le dos et je les contemple
Les étoiles symboliques
Qu'on voit briller sur les drapeaux
Avec leurs ricanements de hyènes
L'Aube est encore loin, plongé dans la nuit noire
Je sais que le jour nous échappe
On reste à dériver sans trouver la vraie flamme
Ecrasés par notre éternité.
DESERT
J'entends,
le vent chargé de sel qui souffle dans le vide
la lumière écrasante, si vive, desespérément belle
De celle qui brûle les yeux de ceux qui la regardent
Et les pas répétés dans le sable et la pierre.
Je me souviens,
Dans les villes de poussière et les hameaux de cendre
De tous ces anges aux ailes brûlées
Hagards sous le regard de l'éternité
Qui ont perdu la foi dans leur humanité
J'écoute,
Le chant des dunes, la voix des ombres
La nuit et ses somptueuses gardiennes
Je m'assois sur le sable, je pleure,
Et l'écho de mes cris résonne dans le lointain
Je sens,
Le glissement du temps figé
Les portes à peine dessinées dans l'air
Qu'on croit sasir avant qu'elles ne se ferment
Les basses qui font frémir l'atmosphère
Je rêve,
De quitter le désert, le venin qui me ronge
Au plus profond de moi il ya peu d'espoir
Rêve et cauchemar entremêlés en songe
Chaque main tendue n'est qu'illusoire
Je marche,
Sous la lumière et la revanche
Est le seul souvenir qui me reste
Je veux me vaincre moi
Et lentement renaître.
Sur "Change your mind" de N. Young
L'ENFER DES ORIGAMIS
En suivant un courant bordé d'orties blanches
Je suis tombé dans un trou noir
J'ai voulu me retenir aux branches mais je n'ai pu que choir
J'ai suivi cette chute pleine de courants d'air
De mots murmurés que j'entendais jadis
De formes et de textures du tréfond de mon âme
J'ai sombré dans les ténèbres huileuses
Sans espoir et sans charme, j'ai guetté le commencement du drâme :
Mes paupières se sont ouvertes comme un rideau de velours
Et mes gestes saccadés ont fait fuir les vautours
Qui rongeaient avidement le cuir de mes bottes
Autour de moi pas de lampe et pourtant il fait clair
Je traîne lourdement mes jambes vers la petite porte
Je la pousse et m'insère au fond de la tanière :
Assis en tailleur au milieu de ce temple
Je n'oses me lever ni même faire des gestes amples
C'est une cathédrale de papier
Certaines pages sont douces et se laissent caresser
D'autres ont le regard vil, la gueule empoisonnée
D'autres encore les yeux vides, leur vue me fait pitié
Sur chaque feuille mon écriture
Est un juge qui me châtie
Et mes muses enchaînées à chaque mur
Seront toujours les esclaves de ma folie.
JEUX DE LUMIERE
Je rêve d'un petit bout de ciel
Je le façonne, je l'ennivre
Et je le rend réel
Pour lui donner l'envie de vivre.
Je laisse la lumière percer
A travers les nuages
Et la pluie menaçante
La rend encore plus belle
Pourvu qu'elle donne un arc-en-ciel !
Je rêve d'un petit bout de ciel
Au-dessus de mon grand bout de terre
Et de sa petite flaque de mer
Et sa grande bande de désert.
Jer rêve de mirages près des rochers
De cités saintes et de béton armé
D'une ligne de grands fils barbelés
Pour laisser les enfants jouer.
Je rêve d'un petit bout de fiel
Pas de paradis sans enfer
Peuplé de ces peuples de misère
Qui s'affrontent dans mes jeux de lumière
Et le rouge teintant le bleu
Me rend un peu plus malheureux.
Je rêve d'un ciel vert et d'un soleil noir
Le paysage de mes cauchemars
Pas de lumière sans ombre.
Je rêve d'un petit bout de miel
Dans un rayon de ton soleil
Les couleurs virevoltant dans ton iris
Et la chaleur de ta présence irréelle
Ton souvenir s'estompe
Et seule reste la lumière
Je rêve qu'un tout petit bout d'elle
Illumine ma conscience.
RESPIRATION
Un, deux,
Les yeux fermés et la bouche entrouverte
Le coeur qui bat à tout rompre
Et les poumons qui s'emplissent et se vident
Un, deux,
La lumière emplit mes yeux, douce et terrible
A travers les paupières et à travers l'iris
Sur son passage elle enflamme mes rêves
Su son passage il n'y a plus de trêve
Un, deux,
Mon coeur est consummé et mon ventre se gonfle
Mes derniers muscles atrophiés se bandent
Je sens l'ultime assaut, c'est l'instant de plénitude !
L'air envahit ma tête et les couleurs se croisent
Ma peau frémit et mes tympans résonnent
Un, deux,
La mort serait-elle proche que son sentiment me quitte ?
Le temps éffleure ma peau et l'espace se tord
Un temps de panique et les odeurs affluent
Un temps de calme pour pousser un cri
Les lèvres entrouvertes aux sensations
De ces goûts subtiles de l'air en mouvement
Un, deux
Et le rythme se lasse, il redevient pénible
Mon esprit endormi se réveille lentement
La lutte est finie et mon corps se relâche
Un, plus de respiration
Deux, le temps reprend son cours
Un, plus de souffrance
Deux, plus d'espérance.
LE REVE D'ARGILE
Le matin
au réveil, la peau ridée par le sommeil,
baignant encore dans l'Océan,
On sent que le rêve nous étreint.
Il est fragile pourtant, petite chose
si pure qu'on craint de la briser :
il s'effiloche doucement autour de nos cheveux
Intangible brouillard de feinte réalité
Au matin c'est notre raison d'être.
Le midi,
on garde les yeux ouverts
assis sur la réalité,
le rêve est tapi dans l'inconscience.
Poussière devenue perle,
il supporte l'érosion
Parfois il reparaît dans nos âmes égarées
et nos yeux retrouvent leurs paupières
Le midi c'est un secret enfoui.
Le soir
pris par le sommeil,
la peau ridée par un trop long éveil,
le rêve refait surface.
Cristal si pur qu'il nous aveugle,
on le sent immortel, ses arètes tranchantes
transpercent notre humanité.
On s'endort sans penser au futur
le rêve déjà s'échappe et redevient poussière
ses atomes scintillent dans la nuit étoilée
modelé dans le noir par les esprits agiles
Dès le soir il redevient d'argile.
LE SURVIVANT
Il regarde la terre comme on regarde la mer
Allongé sur son petit bout de sable
L'inconnu devant lui, la certitude derrière
Le temps s'est allongé aux battements de son coeur
Le Naufragé contemple les rochers qui affleurent
Le corps meurtri par l'Océan sauvage
Il rampe vers le salut
Il n'a pas encore pris conscience qu'il sera seul
Que son compagnon unique sera cette mer qui l'a banni
Du monde de ses semblables
La nuit arrive, il ferme les paupières
Le vent le berce et l'eau le couvre comme un petit enfant
Ses rêves sont obscurs, des visages, des ombres
Le sel emplit sa bouche
Alors il prend un coquillage, un morceau de corail
Et trace sur le sable de mystérieux symboles
Il n'est pas perdu, simplement égaré
Il attend quelqu'un qui comprendra sa langue
Et voudra le ramener
Et les jours passant ses mots maladroits
Deviennent des images
Ces images des sensations
Ces sensations des mots
Le soleil le réchauffe et l'Océan le saoüle
Toute autre compagnie lui serait détestable
La nacre entre les doigts et le sable comme vélin
Le survivant est devenu poète.
Propos de Jérémy
Je me rappelle quand j'étais très jeune mes leçons
de piano, les gammes, la dictature du métronome qui vous agace par sa
constance, sans compter les triolet ou les "noires pointées croches". Et
pourtant aujourd'hui 18 ans après rien ne me fait plus plaisir de de savoir
jouer du Satie ou du Chopin en me laissant porter par le rythme et la fraîcheur
des sons...
C'est sans doute pareil pour la poésie, on peut toujours obtenir de jolies mélodies
même sans technique mais après avoir fait l"effort de l'étudier elle
devient naturelle et le rythme des mots devient plus frappant.
Quire (Jérémy)
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