Auteur : ~René Domenget~



L’Enfant, qui volait en rêve

Un soir que je flânais
Le cœur à la dérive,
Que mon pas m’amenait
Ô! fleuve sur ta rive,
Je vis l’astre d’argent
Se mirant en tes eaux,
Illuminer l’enfant
Assis près d’un bouleau.

Sa tête aux blonds cheveux
Appuyée dans ses mains : 
« Regarde bien, dit-elle,
Regarde bien Monsieur,
Vois-tu comme étincelle
Ce pays merveilleux,
Où moi j’irai demain…..
Lorsque je serai mieux. »

Longtemps son doux regard
Ce perdit dans tes ondes,
Sous un rayon blafard
Imaginant des mondes,
Perdus au plus profond
De son âme rêveuse,
Que cachait un grand front,
 la blancheur neigeuse.

Puis écartant les bras
Comme ont étend des ailes,
Elle écouta du vent
L’étrange ritournelle,
Courut à petits pas
Comme l’oiseau s’envole,
Ses cheveux voletant
Faisant une auréole,

Moi, je suis resté là,
Ô! fleuve sur ton bord,
Ne voyant que reflets
Dans tes eaux devant moi,
Mais porteur des secrets
De cette enfant malade,
Qui attendait la mort
En rêvant de balade.


Requiem Eternam

Lorsque je partirai, comme je suis venu,
Sans l’avoir demandé et sans savoir pourquoi,
Lorsqu 'on me couchera sous du granite nu,
Combien seront-ils à suivre derrière moi ?

Seront-ils toujours là tous ces amis fidèles,
Du moins le disent-ils puisque je suis vivant,
Ou bien feront-ils tous comme les hirondelles,
Qui s’envolent à l’automne au changement de vent ?

Où seront-elles aussi toutes les demoiselles,
Par qui j’ai tant souffert tout en les adorant,
Combien seront-elles et laquelle d’entre elles,
Viendra porter mon deuil, bien seule, au premier rang ?

Quand la mort à jamais referme nos paupières,
Que le cœur s'engourdit et le corps devient froid,
Que sur nous on consent à dire une prière,
Qu’est-il cet avenir qui nous remplit effroi ?

Qu’est ce donc ce futur, est-il si attachant,
Que nul n’est revenu de ce lointain rivage,
Qu’il soit beau, qu’il soit laid, qu’il soit bon ou méchant,
Nous en dire les lois, nous en conter l’usage.

Il nous faut donc aller sans lumières précises,
Partir sans grand soutien pour cette immensité, 
Traînant comme un fardeau nos âmes indécises,
Vers ce lointain pays qu’on nomme éternité.


France souvient toi

O France il faut te souvenir,
De ce passé presque récent,
Pour éviter que l’avenir
Ne soit l’image du présent.
Ne les vois-tu pas ces chimères,
Ressurgir après cinquante ans ?
Ne sens-tu pas l'odeur amère
Du crime, du feu, et du sang ?
« N’est pas éloigné le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Résonne encore le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne. »

Jeunes et gais ils étaient beaux,
De fol amour ils étaient ivres,
Ils sont tombés sous tes drapeaux,
Pour qu’aujourd’hui tu puisses vivre,
Te souciais-tu, en ce temps là,
Du gris ou du noir de leur peau,
Regarde-les, ils sont tous là,
La honte au front dans leur tombeau.
« N’est pas éloigné le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Résonne encore le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne.

Malheur à toi, ô! peuple ingrat,
Pareil aux filles sans vertu,
Tu es prêt à ouvrir les bras,
Aux monstres qu’ils ont combattus ;
Regarde-la qui se déchaîne,
L’hydre qu’ils croyaient abattue,
En écoutant ses chants de haine,
C’est leur mort que tu prostitues.
« N’est pas éloigné le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Résonne encore le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne. »

Réveille-toi France ma mie,
Et fais honneur à ton drapeau,
Eloigne de toi l’infamie,
Ne te trompe pas de nouveau ;
Cultive, cultive la rose,
La jolie fleur du mois de mai,
Fais que les noirs matins moroses,
Pour nous ne se lèvent jamais.
Fais que s’éloigne le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Qu’enfin s’éteigne le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne.

Chambéry 1986


Pour la femme libérée

Je ne suis pas Boileau, ni Hugo, ni Prévert,
Je ne suis qu’un petit rimailleur de deux sous,
Laissant parler son cœur tout au long de ses vers,
Puisqu’il a le malheur d’être amoureux de vous.

Vous qui le repoussez dédaigneuse et coquette,
Amusée de le voir ramper à vos genoux,
S’essoufflant à vouloir faire votre conquête,
Ne pouvant espérer être un jour votre époux.

D’un homme vous prenez toujours que le meilleur,
Sans jamais vous soucier s’il rencontre le pire ;
Vous disant libérée, on vous retrouve ailleurs,
Poursuivant le chemin d’un éternel délire.

Mais prenez garde à vous ma jeune demoiselle,
Le temps passe bien vite et à jouer ce jeu,
Arrivera le jour, où fanée, plus très belle,
Seule, vous resterez, tremblante au coin du feu.


Les Amours Vieillissantes

Lorsque les cheveux blancs encadrent son visage,
Lorsque ses seins vieillis encombrent son corsage,
Que même une caresse est un effort trop lourd,
Que seuls restent les yeux pour se parler d’amour.

Lorsque les corps brisés n’ont plus aucun discours,
Que le pas se fait lent, le souffle devient court,
Qu’en allant côte à côte en se tenant la main,
On ose même plus songer au lendemain.

Lorsque notre horizon peu à peu s’assombrit,
Les rides se creusant dessous nos cheveux gris,
Qu’on ne peut plus qu’offrir les restes du passé,
Les rêves d’avenir nous ayant délaissés.

Mais même si nos bras ne peuvent plus l’étreindre,
Pour apaiser ses peurs ou éteindre ses feux,
Même si nos élans ne peuvent plus atteindre,
Ce merveilleux Eden où s’unissent les Dieux.

Il faut savoir garder, là au fond de son cœur,
La petite étincelle, le myosotis en fleur,
Et si même l’on vit son tout dernier matin,
Lui dire encore je t’aime à la Saint Valentin.


LE TESTAMENT

J’ai voulu te le dire,
Je n’ai pas su comment,
Perdu face au sourire,
De mon petit enfant,
Avec ta tête blonde,
Et tes grands yeux moqueurs,
Tu vas courir le monde,
Et moi ça me fait peur.

Car après tant de peine,
Après tant de malheur,
Tu es tout ce que j’aime,
Du plus profond du cœur,
Il me reste un seul rêve,
Mais il est angoissant,
Que ma vie ne s’achève,
Avant que tu sois grand.

Il faut que je te dise,
Que j’aimais ta maman,
La vie parfois divise,
Sans trop savoir comment.
Vois-tu je réalise,
Que bien souvent les grands
Font de grosses bêtises,
Et pleurer les enfants.

Un jour que je sais proche,
Il te prendra l’envie,
Tout ton espoir en poche,
De mordre dans la vie,
Dieu fasse qu’il advienne,
Qu’à partir de ce jour,
Toujours tu te souviennes
Que rien ne vaut l’amour.

Cet amour qui nous pousse,
Vers les pas du prochain,
Et couchant sur la mousse,
A partager le pain,
Cette soif de justice,
Qui nous porte en avant,
Pour que le sacrifice,
Reste à jamais vivant.

Et puis lorsque les filles,
Frapperont à ton cœur,
Que dans leurs yeux qui brillent,
Tu verras ton bonheur,
Avant de prendre femme,
Apprends à les aimer,
Car trop vite on s’enflamme,
C’est si doux de rêver.

Préfère la tendresse,
A la situation,
Une seule caresse
Vaut bien plusieurs millions ;
Rêveuses de fortune ?
Laisse-les aux copains,
On décroche la lune,
Mais l’amour passe au loin.

Si un jour les nuages,
Menacent ton amour,
Rassemble ton courage,
Et bas toi à ton tour,
Car tu vois le divorce,
N'écarte aucun tourment,
Souvent il les renforce,
Et c’est pire qu’avant.

Un jour je le sais bien,
Je te dirai adieu,
Ayant fait le chemin,
Qui nous conduit vers Dieu,
Alors il te faudra,
Reprendre dans tes mains,
Pour poursuivre mes pas
Les rênes du destin.

Quand grondera l’orage,
Dans tes jours sans soleil,
Repense à mon message,
Pour éclaircir ton ciel,
Sans jamais reparaître,
Je répondrai présent,
L’éternité peut-être,
C’est ton cœur mon enfant.

Chambéry 1985 


La Corrida

Les cuivres ont sonné dans le ciel de Séville,
Réveillant les ardeurs des fougueux Andalous,
Séduisants Hildagos au regard qui pétille,
Aux lèvres mi-closes cachant des dents de loup.
De ces loups assoiffés du sang de leur victime,
Pauvre bête élevée pour n’avoir qu’un seul sort,
Et qui en un seul jour, en un combat ultime,
N’a jamais qu’un seul choix : y rencontrer la mort.

Il arrive au galop au centre de l’arène,
Effrayé par les cris qui montent des gradins,
De ses puissants naseaux s’échappe son haleine,
Et sa tête balance au son des tambourins.
Il regarde au lointain les capes couleur d’or,
Qu’agitent devant lui les banderilleros,
Il entend annoncer l’entrée du picador,
Qu’accueillent les vivats des affectionnados.

Il ressent, au garrot, une brûlure intense,
Que provoque la pique enfoncée dans sa chair,
Douleur qui disparaît, puis revient la souffrance
La banderille a jailli semblable à l'éclair.
Le sang suinte alors de l’échine luisante
Du robuste animal, face au grand matador
Mesurant du regard cette masse puissante,
Qui gratte du sabot le sable au reflet d’or.

Puis se déclenche enfin une danse infernale,
La rouge muleta voltige devant lui,
Comme pour endormir cette force brutale,
Dissimulant le fer sur qui le soleil luit.
Le brillant torero place les véroniques,
Faisant virevolter le pauvre être affolé,
Tandis que dans les airs s’élève la musique,
Paso Doble endiablé que rythme les Ollés.

Le silence est tombé, puis soudain devant nous,
L'estocade a soudain fait tonner les bravos,
Quand devant son vainqueur il plie les deux genoux,
Qui nous dira jamais, ce que sent le taureau


A Gauche N.. de D…!

Faudra-t-il que rougisse encore le pavé,
Pour que le Socialisme ait un droit de cité,
Je veux parler ici, de la vraie société,
Du grand ordre social, et non du dépravé.

De cet élan si fort qui a vu Enjolras,
Ceux de quarante huit et ceux de la Commune,
Porter à bout de bras, comme le Dieu Atlas,
Le monde des espoirs des êtres sans fortune.

Pas de la république aujourd'hui confisquée,
Par les fils de bourgeois grands prêtres du marché,
La monarchie sans roi qu'on nous a fabriquée,
Système corrompu, de scandale entaché.

Que l'on nomme pourtant cinquième république,
Au visage tourné vers l'erreur d'Amérique;
Où l'on vote pour l'image et non pour l'idée,
Où seule la gloriole est souvent validée.

Le paraître seul compte et seul est reconnu,
L'ouvrier écarté, élu le Parvenu,
Oubliant en cela une loi éternelle,
Seul l'Homme peut mentir, l'Idée seule est fidèle.

Te verrons-nous enfin ô! France égalitaire,
Où même sans diplôme l'Homme sera loi.
L'argent n'est qu'un moyen, pas un Dieu ni un Roi
Il faut mettre l'énarque au prix du prolétaire.

Leur viendra t'il un jour, aux hommes politiques,
Le cœur de mettre enfin leurs paroles en musique,
Faisant de ce pays, phare de Liberté,
Un Fraternel berceau, un nid d'Egalité.

Chambéry 12 novembre 2000


Prière à ma Muse

Ô! Muse mon amie, divine inspiratrice,
Tes chansons se sont tues, où est-tu ma complice?
Pourquoi me caches-tu ces tableaux merveilleux,
Qui venaient autrefois quand je fermais les yeux.
Je n'entends plus tinter le son de Corneville,
Perdu dans le désert au milieu de la ville,
Où sont donc envolées les si douces musiques,
Des mots qui décrivaient des scènes romantiques?
Je ne vois plus fleurir les arbres en automne,
Et sans beaux délires, ma vie est monotone.

Ma muse écoute-moi, ô! entend ma prière,
Sans toi je suis perdu et mon cœur devient pierre,
J'ai le froid dans le dos, mes mains tremblent de peur,
Je décline sans toi et mon cerveau se meurt.
Je ne vois plus mes vers, où est donc l'hémistiche?
A l'envers sont mes mots, adieu la rime riche.
Ma muse qu'ai-je fait? où est ma trahison?
Pourquoi ne viens-tu plus rêver dans ma maison?
Et même si je bois bien plus que de coutume,
Les mânes de Rimbaud ne guident plus ma plume.

Qu'est-ce qu'un troubadour lorsqu'il n'a plus de Muse,
Ses vers deviennent laids et sa pensée s'abuse,
Il a beau essayer de se mettre à l'ouvrage,
Il ne peut rien écrire et n'entend que l'orage
Qui bouscule ses idées vers tous les horizons,
Son bon sens se perd et vient la déraison.
Ma Mie laisseras-tu ma plume être infertile?
Je ne veux pas finir tout au fond d'un asile.
Redonne moi la main et guide ma pensée,
Efface mon chagrin ma douce fiancée.

Alors je t'écrirai ballades et sonnets,
Je laisserai les mots en joyeux feu follets
Danser sur le papier, courir le guilledou,
Déposant à tes pieds les bouquets les plus doux.
Je te raconterai la vie de notre temps,
Avec les grands amours, les potins les cancans;
Et je rebâtirai un monde de bonheur,
Qui fera se tarir le torrent de tes pleurs;
J'aurai pour toi ma Mie les plus touchants égards,
Et poserai sur toi de langoureux regards.

Muse ne t'en va pas j'ai tant besoin de toi,
Invisible pour l'autre et présente pour moi,
Je veux à chaque jour que Dieu me donnera,
Au travers de mes vers me perdre dans tes bras.

Chambéry novembre 1999


La Balade en Forêt

Un rossignol m'a dit, que fais-tu là poète,
Errant de çà et là dans la vaste forêt?
N'entends-tu pas là bas sonner des airs de fête,
Ecoute le concert du chant du roitelet;
Regarde le ballet des Fées, ces demoiselles
Dansant pour essayer de conquérir ton cœur,
Qui pour te plaire enfin se feront toutes belles,
Déroulant sous ton pas un long chemin de fleurs.

Le frais ruisseau m'a dit, regarde-moi poète,
Je m'en vais librement car rien ne me retient,
Mes flots vont doucement ou font des pirouettes,
Au gré de mon humeur, bridés par aucun lien;
J'enfle, je rétrécis, je fais des cabrioles,
Rien ne peu entraver le cours de mon destin,
Et je trace mon chemin soufflant des gaudrioles,
A l'amoureux transi dans le petit matin.

Les champignons m'ont dit, ne sens tu pas poète,
Ces légères odeurs qui flottent dans les airs,
Ici c'est la Morille et ici la Trompette,
Toutes deux bien cachées sous un doux tapis vert;
Là-bas prés du sapin, sommeille la Girolle,
Et le Bolet te tend son piège satanique,
Vois le blanc Géaster étaler sa corolle,
Au pied de ce rocher au reflet métallique.

Longtemps j'ai cheminé sous la verte ramure,
Surprenant le Pic-Vert effrayant l'écureuil,
Ecoutant dans le vent le langoureux murmure,
Que font les chants d'amour des Pies et du Bouvreuil;
Puis soudain devant moi c'est dressé le Grand Chêne,
Noueux, majestueux, semblant être le roi,
De ce monde enchanté nature souveraine,
Toile d'impressionniste exposée devant moi.

Un groupe d'escargots qui lentement chemine,
Pareils aux pèlerins marchant vers Compostelle,
Croise les bons jolis que fait la rousse hermine,
Poursuivant dans son jeu la verte sauterelle;
Masquée par les buissons, une biche surveille,
Son faon qui quelque peu se perd dans les sous- bois,
Spectacle si touchant, qui toujours m'émerveille,
De la mère pour l'enfant constamment en émoi.

Le jour qui déclinait là-bas sue la colline,
De cette féerie fit s'écarter mes pas,
Je me suis retiré d'une allure féline,
Craignant de déranger ce petit monde là;
En formulant des vœux pour revenir toujours,
Sous le dôme élancé de ce feuillage épais,
Pour rechercher l'appui, implorer le secours,
Du divin créateur de ce havre de Paix.

Chambéry le 14 septembre 2000


La vie n'appartient qu'à Dieu

Nul ne peut décider sur terre qui doit vivre,
Du nourrisson, de l'assassin ou du mourant;
Que nul ne puisse, en aucun cas, fermer le livre,
Qu'il soit médecin, qu'il soit bourreau ou parent.
L'Amérique n'est pas l'exemple qu'on doit suivre,
Tout ne peut se résoudre à partir de l'argent,
Je sais bien que l'appât de la fortune enivre,
Mais sur ce point, sachons rester intransigeant.

L'Handicapé n'est pas un enfant infernal,
Et Dieu seul doit rester le maître de ses jours,
Arrêtez de le voir égal à l'animal,
Il n'espère de vous qu'un océan d'amour.
L'assassin a tué, rien n'excuse le crime;
Est-ce en le tuant que revit sa victime?
Puisque Dieu absout tout, lorsqu'on quitte le port,
Que vaut ce châtiment qui passe par la mort?

Quant à l'Homme vieilli qui vogue vers la rive,
De cette île inconnue qu'on nomme éternité,
Laissons aller sa barque seule à la dérive,
Sans la fin de sa vie, vouloir précipiter.
Qui sont donc ces juges étalant leur savoir,
Pensant avoir le droit de prendre le pouvoir,
D'indemniser ceci, d'indemniser cela,
Le dollar remplacera-t-il l'homme ici bas?

Laissons donc aux" Riquain" leur délire argenté,
Gardons comme un trésor la grande humanité,
Qui au fil des siècles nous a fait devenir,
Ce pays devant qui s'ouvre grand l'avenir.
Pourvu que la jeunesse, ouvrant enfin les yeux,
Dédaignant le profit, la drogue et la violence,
Ecartant l'illusion d'un monde merveilleux,
Du Feu de ses Aînés conserve la vaillance.

Chambéry novembre 2000


Le Fauve Volant

Un grand cri fait sonner l'air calme du matin,
Eveillant les échos dormant dans la vallée,
Et de tous les buissons s'échappe une envolée,
D'oisillons désirant conjurer le destin.

Dans un creux de rocher, figé, le bouquetin,
Surveille le parcours de cette mort ailée;
La hase, dans un trou, sa portée rassemblée,
Observe le voleur en quête de butin.

Tout se tait, épiant l'arrivée de cette ombre,
Souhaitant de ses proies ne pas être du nombre;
Caché, enseveli, sous une herbe blotti,

Gardant au fond du cœur un soupçon d'espérance,
Que le fauve volant n'ai pas trop d'appétit.
L'Aigle a quitté son aire et cherche sa pitance.

Chambéry le 25 novembre 2000


Les Légionnaires

Ils ont cette beauté des gladiateurs antiques,
Avançant à pas lents au rythme des tambours,
Le long des avenues, des places, des faubourgs,
Portant haut le regard des hommes authentiques.

Leur visage encadré d'une barbe rustique,
L'uniforme paré de larges brandebourgs,
Font de tous ces géants, à l'étrange parcours,
Ce régiment glorieux au chapeau asiatique.

Ils ont des grands déserts parcourus tous les lieux;
Leur bravoure fait d'eux des presque demi-Dieux
Attirant le désir des plus belles sylphides.

Tel Achille le Grec ou Hector le Troyen,
Ils sont de ces guerriers aux actions intrépides,
Que Jupiter accueille au pinacle Olympien.


A mes Filles

Mon cœur est bien trop gai pour que je puisse peindre,
Ce que mon regard goûte en ce joyeux matin,
Ce tableau qu'illumine un sourire enfantin,
Sollicite un talant que je ne puis atteindre.

Quoi! violer le secret qu'on ne serait enfreindre,
De ces lèvres charnues, cette peau de satin,
Ces yeux éblouissants, ce petit nez mutin,
Tous ce corps que mes bras voudraient pouvoir étreindre.

Ma fille vient de naître, Dieu! quelle splendeur,
Mon être émerveillé mesure ta grandeur.
Ne me demandez pas de traduire en peinture,

Cet instant de bonheur cette félicité.
Il faudrait pour cela que mon cœur se torture,
Car seule la tristesse engendre la beauté.

Chambéry le 14 janvier 2001


Pleure ma peine

Il est parti un soir
L'ami de tant de jours,
Celui qui savait voir
Mes chagrins mes amours,
A qui j'aurai confié
Chaque instant de ma vie,
Qui savait sacrifier
Son temps à mes envies.

Pleure ma peine,
Saigne mon cœur,
Ma vie se traîne,
Et je me meurs.

Tous deux nous avions fait
Cent fois le tour du monde,
Ne nous souciant jamais
Si la terre était ronde,
Dans sa petite chambre
Tout là haut sous les toits,
Parmi les relents d'ambre
Et les morsures du froid.

Pleure ma peine,
Saigne mon cœur,
Ma vie se traîne,
Et je me meurs.

Tous deux nous avions pris
De tortueux chemins,
Fendant le brouillard gris
Nous tenant par la main,
Sans querelle entre nous
Sans orage qui gronde,
Construisant jusqu'au bout
Une amitié profonde.

Pleure ma peine,
Saigne mon cœur,
Ma vie se traîne,
Et je me meurs.

Par delà les étoiles
Nous avions voyagé,
Parfois l'esprit dévoile
Des chemins ombragés,
Où le rêve transporte
Les cœurs sachant aimer,
Ouvrant grande la porte
A tous les affamés.

Pleure ma peine,
Saigne mon cœur,
Ma vie se traîne,
Et je me meurs.

Pourtant tu étais GAY
Moi je ne l'étais pas,
Mais saurons nous jamais
Ce qui mêle les pas,
De deux êtres qui vivent
Pour l'amour et la joie,
Raillant les invectives
De tant de rabat-joie.

Pleure ma peine,
Saigne mon cœur,
Ma vie se traîne,
Et je me meurs.

Chambéry le 19 janvier 2001


Prends garde ô! Israël

Redoute ô! Israël
Les foudres d'Abraham,
Qui devant l'éternel
Voit immoler l'islam;
Referas-tu l'erreur,
Qui fut tienne autre fois,
De clouer un Sauveur,
Aux branches d'une croix?

Pourtant tu as vécu toi aussi l'inhumain,
N'as-tu donc rien compris à ta longue agonie,
Ta jeunesse oublie-t-elle que le joug germain
Te fit connaître aussi, un jour, l'ignominie.
Seras-tu à ton tour l'odieux persécuteur,
Qui fait pleurer la mère et fait trembler de peur
L'enfant qui voit les siens mourir sous la torture,
Sauras-tu donc ce monstre, erreur de la nature?

Les enfants d'Abraham vont-ils continuer,
A haÏr le prochain, et à s'entretuer,
Parce qu'ils n'ont pas su ou pas voulu entendre,
L'immense cri d'amour qu'ils leur fallaient comprendre.
Qu'il se soit sacrifié, pour vous n'a pas suffit,
Pour prendre pour un Dieu l'homme du crucifix,
N'abreuvez plus de sang la terre trois fois sainte,
Des mères, des enfants, j'entends monter les plaintes.

Redoute ô! Israël la colère de Yahvé,
Mohamed est son fils il voudra le sauver;
Pourquoi faire durer le rêve expansionniste,
Entretenant ainsi le vieux démon sioniste.
Il faudrait partager de la terre le sel,
Et faire de ces pays l'exemple universel,
Phare de l'humanité, vertu si profonde,
Dont le divin éclat éblouirait le monde.

Prends garde ô! Israël
Des hommes vont mourir,
Pour un dessein cruel
Qu'on ne saurait souffrir;
Il faut prier au Mur
Pour qu'à ton front ne monte,
Dans un récent futur
Le rouge de la honte. 

Chambéry le 9 février 2001


La Paix en Pleur

J'écoute pleurer la Colombe,
Dans le jardin des Oliviers,
Car sur la terre sainte tombe,
Le vol sombre des éperviers;
Verrons nous profaner la tombe,
Du Nazaréen crucifié,
Feront-ils périr sous les bombes,
Ces peuples qu'il a sanctifiés.

Entre les horreurs du nazisme,
Et les désirs de ces ultras,
Qui aveuglés par le sionisme,
Ont expulsé tous les fellahs,
Je voudrais bien que l'on me dise,
Les nuances, je n'en vois pas,
Car c'est bien la même bêtise,
Qui aujourd'hui guide leurs pas.

J'écoute pleurer la Colombe,
Dans le jardin des Oliviers,
Car sur la terre sainte tombe,
Le vol sombre des éperviers.

Chambéry 12 février 2001


Rondel Amoureux

Si j'étais une Demoiselle,
Qui légère rase les flots,
Je volerais vers ces îlots,
Où pousse cette fleur si belle.

Où le cri de la tourterelle,
Monte au matin à peine éclos,
Si j'étais une Demoiselle
Qui légère rase les flots.

Je te rejoindrais d'un coup d'aile,
T'offrir de mon cœur le plus beau,
Je serais le joyeux Pierrot,
D'une Colombine si frêle,
Si j'étais une Demoiselle.

Joèl Monge 


La Frivole

Souvenez-vous belle Eloise,
Des temps où nous étions amants,
Je vous pensais jeune marquise,
Vous me disiez prince charmant;
Dans le carnaval des destins,
Où dame folie caracole,
Entre masques et serpentins,
Jeunesse danse et puis s'envole.

Je crois que j'avais la bêtise,
Comme toujours cœur trop aimant,
De vous vouloir douce et soumise,
Promise à moi uniquement;
Teint de pêche peau de satin,
Vous étiez ma vie, mon idole,
Je vous aimais, pauvre crétin,
Jeunesse danse et puis s'envole.

Grande fut alors ma surprise,
Lorsque vous m'avez dit gaiement,
Posant sur ma joue une bise,
"Adieu je pars avec Armand";
Fut-ce un soir ou bien un matin,
Que vous partîtes ma frivole,
Me laissant là comme un pantin,
Jeunesse danse et puis s'envole.

Ami soit donc un galantin,
N'emprunte rien à mon école.
De femmes fais un grand festin,
Jeunesse danse et puis s'envole.

Chambéry le 20 février 2001


René DOMENGET


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Mise à jour : le 1er février 2005