Auteur : ~René Domenget~

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Poésies animées
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En toute liberté

Quitte à faire frémir Malherbe dans sa tombe,
Ou de persécuter les mânes de Boileau,
Je veux, lorsque ma muse à s’épancher succombe,
Mes vers ne sentent pas l’effluve du tombeau.

Venant plus de cent ans après les romantiques,
Poètes nous devons poursuivre l’aventure,
Tout au long de nos vers transmettre les musiques,
Vibrer avec le temps, chanter notre nature.

Pourquoi donc enchaîner nos idées dans des fers,
Qui siècle après siècle sont tellement rouillés,
Qu’un troubadour a pu, oui mais c’était Prévert,
Atteindre des sommets, s’en étant dépouillé.

Sans prétendre vouloir le suivre pas à pas,
Conservant la cadence en écartant la rime,
Contre Rapp et Techno menant l’art au trépas,
Repoussons de nos vers tout ce qui les opprime.

Laissons notre pensée courir en liberté,
Aller sur les chemins des plus grands sentiments,
De peindre notre temps faisons notre fierté,
Et laissons au passé ses interdits charmants.

Seul si un beau matin fleurit sous mon bonnet,
Je ne sais quel rondeau, ballade ou bien sonnet,
Pour le respect des Grands, je resterai conforme,
Ma plume bien guidée respectera la forme.

Mis à par ce cas là, qu’importe qu’on me dise,
Classique ou libéré, stoïcien, parnassien,
A nulle Académie mon œuvre n’est promise,
Déesse Poésie reconnaîtra les siens,

En toute liberté je veux laisser ma Muse,
Tracer sur le papier la musique des mots,
Et pourvu qu’à ce jeu, la coquine s’amuse,
L’alternance sera vaine et les hiatus beaux.


A Nos Héros Savoyards

Ils n’avaient que vingt ans l’âge de l’espérance,
Portant au fond du cœur leur foi et leurs espoirs,
Déchirée, bafouée, vaincue était la France,
Les heures à venir se dessinaient en noir.
Ils pouvaient eux aussi accepter la défaite,
Suivre le Maréchal vers la honte courir,
Se mettant à genoux courber aussi la tête,
Le combat fut leur choix au risque de mourir.

A peine revenue cœur brisé de Norvège,
Morandat refusa l’abandon sacrilège,
Il avait entendu venant de l’Angleterre,
L’appel d’un Général continuant la guerre ;
Alors il le rejoint, puis revient mandaté,
Pour porter le levain du pain de liberté ;
Il revoit ses amis du monde syndical,
Et leur fait partager les vues du Général.

Dans l’ombre où Savouillan, Rose ou bien Morisot, 
Tissaient secrètement la toile des réseaux,
D’autres les suivirent qui comme eux s’illustrèrent
Que rien ne désignait pour être chef de guerre.
Le « Prof » ou bien l’élève, et les jeunes ouvriers,
Laïcs ou bien curés, nobles ou roturiers,
Tous unis, malgré eux, dans la même aventure,
Risquant l’envoi au camp, la mort sous la torture.

Morel sur le plateau, et Bulle sur la crête,
Officiers que l’honneur conduisit à leur perte,
Foudroyés par le feu, Ô ! trahison infâme,
Croyant que l’ennemi avait encore une âme.
Et Simon ce gamin qui commandait aux hommes,
Et marchait au combat, cœur léger un peu comme
On court à dix huit ans vers son premier amour,
Mais sachant que la mort l’attendait au détour.

Et toi la frêle fleur prise dans la tempête,
« Petite Marguerite » au cœur gonflé d’espoir,
Action après action construisant la défaite,
Des idées propagées par les hommes en noir; 
Francs-gardes assoiffés du sang des maquisards,
Torturant, fusillant des captifs au hasard,
Traites à leur Patrie, assassins de leurs frères,
S’auréolant de gloire à bâtir la misère.

Quatre longues années, ombres parmi les ombres,
Ils ont des opposants multipliant le nombre,
Préparé l’avenir d’un pays abattu,
Où le vice avait pris le pas sur la vertu, 
Et puis un jour, enfin, ils furent la lumière
Pénétrant dans la ville en suivant leur bannière,
Ces trois couleurs sacrées sous lesquelles dormais
Le Frère ou le copain disparu à jamais.

Jeunesse incline toi devant tous leurs tombeaux,
Salue avec respect les plis de leurs drapeaux,
Regarde les venir ces sublimes vieillards,
Le visage ridé, courbant parfois l’échine,
Croise leur beau regard où souvent s’illumine,
La fierté qui sortit la France du brouillard.
Pense à dire Merci, songe que grâce à eux,
LIBRE tu peux toujours couler des jours heureux.


Le Jardin De Mon Père 

Les petits pois ronds tout mignons
Poussaient non loin des rangs d’ognons,
A deux pas la belle échalote,
Bavardait avec la carotte.

On voyait le joli poireau
Se dresser droit comme un poteau, 
Près de la légère laitue
« Batavia » tout de vert vêtue.

En suite venaient les tomates
Saluant les beaux aromates,
Le thym, le persil, le laurier
Embaumaient l’air près du poirier.

Arrivaient les pommes de terre,
Telle une armée de mousquetaires,
Alignés comme à la parade,
Pour voir défiler les salades.

Qui formant une farandole,
« Belle de mai » ou bien « Scarole »,
Semées au vent, à la volée,
S’égayaient entre deux allées.

Plus loin rampaient les haricots
« Cent pour un », « Cabris », « Flageolets »,
Dont on entourait les gigots
Des pauvres petits agnelets.

C’était le jardin de mon père,
Un peu avant la triste guerre,
Vieux souvenirs de mon enfance,
Du temps où j’avais l’espérance.

Il n’a pu me tenir la main,
J’ai du tracer seul mon chemin,
Que ne reviennent ces « Félins »
Qui font des fils des orphelins. 


Conseil à un Ami

Ecoute mon ami le bon conseil d’un sage,
Tu peux à tout moment faire un très grand usage,
Des produits de ce monde éternelles merveilles ;
Délecte-toi sans gêne des nectars divins,
Que les simples mortels n’appellent que les vins,
Qu’ils soient de Champagne, Bourgogne ou de Bordeaux,
Qu’ils se nomment Médoc, Chambertin ou Meursault,
Aie toujours à portée de divines bouteilles,
Fais en un grand usage et ne bois jamais d’eau.

Il te faut tout autant pour ta félicité,
Aux grands plats succulents un jour avoir goûté,
Que serait donc ta vie, un immonde supplice,
Si tu étais privé de tous ces grands délices.
Foie gras du Périgord ou Choucroute d’Alsace,
Pintadeau, Coq au vin, Fricassées ou Bécasse,
Faisan sur canapé, Caviar ou Cassoulet,
En un mot comme en cent, de tant de divins mets,
Qui viennent nous flatter à un point le palais,
Qu’il serait criminel de n’en jouir jamais.

Tu peux également les beaux soirs de ripaille,
Lorsque le ton monte et le rire s’encanaille,
Choisir dans ce coffret qui te vient de Cuba,
Un de ces cigares qu’on fabrique là-bas.
Et discourant très haut, te donner du prestige, 
Abuser de tous ce qui donne le vertige,
T’imaginer célèbre ou bien Prince d'Orient,
Avoir de la fortune et la perdre en riant.
Oui mais en aucun cas, en aucun cas te dis-je,
Le conseil que voici au grand jamais néglige,
Quels que soient les appels que Cupidon te lance,
Garde-toi des Femmes, d’elles vient la souffrance.


Le long de la Rivière

Le long de la rivière,
La belle allait chantant,
Marchant dans la lumière
Du soleil du printemps,
J’ai le cœur à l’envers
Chantait la belle enfant,
Le corsage entrouvert
Le regard triomphant.

Le long de la rivière
S’en allait Petit Jean,
Joyeux la mine fière
Comme on l’est à vingt ans,
S’en allait à la foire
Qui est en Bourg d’Oisan,
Pour y manger et boire
Bons vins et matafans.

Le long de la rivière
Ils se sont rencontrés,
Là sans trop de manières
Dans l’herbe se sont vautrés,
Bercés par la chanson
D’un joyeux rossignol,
Et sous l’œil polisson
Du petit campagnol.

Le long de la rivière
Le petit ramoneur,
Et la belle fermière
Ont trouvé le bonheur,
Se sont tant prélassés
Dans l’herbe du printemps,
Qu’il fallût annoncer
Leurs noces avant longtemps.

Voilà la belle histoire
Racontée, par le vent,
Lors d’un retour de foire,
Sous le soleil levant,
Où je m’étais assis
Non loin d’une chaumière,
Où tu étais aussi
Le long de la rivière.


Réquiem Pour des Marins

La cloche a proclamé au Pays de Bretagne,
Qu’un enfant est venu sauver l’Humanité,
Et dans tous les salons, entre bûche et Champagne,
Des chants ont célébré cette natalité.
Mais le vent s’est levé, a soulevé les vagues,
Emportant au lointain ce bonheur désuet,
Seul face à l’océan hurlant et qui me nargue,
Je reste cœur chagrin pleurant sur Camaret.

Là-bas sur un bateau roulé par la tempête,
Marin tu perds ta vie à vouloir la gagner,
Au Pays on s’amuse, on rit, on fait la fête,
Ignorant la frayeur du pauvre marinier.
Perdu au fond des creux, dérivant vers le large,
Tu revois les copains des nuits de cabaret,
Moi face à l’océan, debout sur le rivage,
Je reste cœur chagrin pleurant sur Camaret.

Mais la cloche s’est tue au Pays de Bretagne,
A sonner le tocsin s’est éteinte sa voix,
Ils ne sont pas rentrés de l’ultime campagne,
De ce foutu métier c’est la terrible loi.
L’enfant était venu pour recueillir leurs âmes,
Et les porter au ciel dans un champ de bleuets,
Seul face à l’océan plaignant enfants et femmes,
Je reste cœur chagrin pleurant sur Camaret.


La mort du Dix-Cors

Un bruit sec résonnant lui fait lever la tête,
Et dans le même temps plier les deux genoux,
Un long filet de sang sort du flanc de la bête,
Qui tout en s’effondrant fait fuir un vieil hibou.

Les bois de ce grand Mâle majestueux, fier,
Luttant pour obtenir les plus belles femelles,
Restent encore droits tel qu’ils l’étaient hier,
Lors du concert du brame appelant les rebelles.

Soudain dans un effort il regroupe ses forces,
Se remet sur ses pattes, s’appuie contre un arbre,
Fait un pas puis un autre arrachant de l’écorce,
Qui vol au rythme lent de sa danse macabre.

Longtemps il tentera son retour en forêt ;
Sur ce dernier combat le soir s’est étendu,
Car déjà s’était tu l’aboi des chiens d’arrêt,
Avec le son du cor au matin entendu.

Enfin il s’affaissa tête sur le côté,
Son doux regard mouillé ; puis, dans un souffle court
Au paradis des Cerfs son esprit est monté.
Là-bas à l’horizon pointait le petit jour.


La Vision

Mon fils j’étais un jour au sein d’une forêt,
A cet instant si doux où le matin paraît,
Assis, à l’habitude, au bord d’une rivière,
De l’aurore admirant la sublime lumière ;
Le présent, le passé en mon cœur défilaient,
Du pire et du meilleur du très beau au très laid,
Le dessin imprimait l’écran de mes paupières ;
Et là-bas au lointain s’éveillaient les chaumières.

Une fille chantait sous la verte coupole,
Son doux chant s’élevait comme un léger fumet
Une brise sortant de la gorge d'Eole 
Frôlant au passage des sapins le plumet.
Sa chanson éveilla en moi un souvenir
De ce temps où j’avais encore un avenir ;
Entre les frondaisons le ciel était d’azur,
Et à mes pieds coulait l’eau d’un ruisseau si pur,
Que ce chant qui montait tendrement vers les cieux,
Fit de moi un enfant qui entrouvre les yeux.

Et la belle chantait, je la pensais légère
Et courtement vêtue, sautant dans les bruyères,
Cueillant des champignons, du gui ou des fougères.
Etait-elle baronne ou bien simple fermière ?
Elle était au printemps, à cet âge ravi
Où les fruits de l’amour éclosent provocants,
J’en étais à l’automne et lorsque je la vis,
Je crus revoir ta mère à l’âge de vingt ans. 


AMOROSO VINO

Ô ! si l’amour se mettait en bouteille,
Je t’offrirais des magnums de bonheur,
Comme on le fait pour le jus de la treille,
J’enflaconnerais les sucs de mon cœur,
Et je n’aurais que grands crus, ô! merveille,
Suaves bouquets de fruits et de fleurs,
Le vent viendrait te glisser à l’oreille,
Tous les doux mots dont mes lèvres ont peur.

Mais c’est du vin, que j’ai dans ma bouteille,
Tous les magnums ne font plus mon bonheur,
Et plus je bois le bon jus de la treille,
Et plus s’aigrissent les sucs de mon cœur,
Je ne sais plus ce qu’est une merveille,
J’ai oublié les doux parfums de fleur,
Et si les vents me sifflent à l’oreille,
C’est tout mon corps qui tremble alors de peur.


Le Rêve d'Arcole

Le soir qui descendait sur la douce vallée 
Avait cette rougeur des veilles de victoire,
Il était là, debout, prêt des juments scellées
Contemplant l’horizon porteur de tant de gloire.
Là-bas brillaient les feux des places ennemies,
En suivant son regard on pouvait deviner,
Les points où les assauts, demain, seraient donnés.
Il rêvait éveillé sous la lune endormie.

Devant lui s’étalait un fabuleux tableau ;
C’était là un piton et là une fermette,
Ici un vert bosquet et là-bas une crête,
Ou bien ce large étang stagnant près du hameau.
Le petit Lieutenant devenu Général,
Déplaçait un à un ses puissants bataillons,
Imaginant déjà le grand élan final
De la cavalerie, infernal tourbillon.

En lui se bousculaient des rêves de batailles,
Vers lui montait déjà l’implorante clameur,
Qui couvrant les canons et les bruits de mitrailles,
S’échappe du poitrail du combattant qui meurt.
Il savait que demain sur le pont, bondissant,
Suivi par les clairons que la charge époumone,
Le drapeau tricolore à la main, brandissant,
Il ferait de nouveau vaciller les couronnes.

Soldat républicain enivré de grandeur,
Porté par son destin, servi par sa valeur,
De victoire en victoire érigeant l’avenir,
Précédant le danger pour mieux le prévenir.
Puis au pied d’un grand chêne il finit par s’asseoir,
Etourdi par le flux d’un océan d’espoir ;
Un nuage passa, étalant sa grisaille,
Dessinant dans le ciel la Couronne impériale. 


Rêve d’Amour

Déposer tendrement sur ta lèvre mi-close,
Un baiser t’éveillant d’un sommeil si peu lourd,
Effleurer de mes doigts le bout ton sein rose,
Voir tes yeux s’entrouvrir et quémander l’amour.

Serrer entre mes lèvres la fleur de ton sein,
L’aspirer, la rouler, la mordre doucement,
Lentement caresser la courbe de tes reins,
Faire vibrer ton corps d’un long frémissement.

Promener sur ta peau et mes doigts et ma bouche,
Pas à pas m’avancer vers ta belle vallée,
Laisser mon cœur voler au-delà de ta couche,
Avec à ces côtés ta beauté étalée.

Goûter sur ton ventre la sueur de l’émoi,
Et n’étant qu’un manant me prendre pour un roi,
N’ayant pu en ce monde amasser la fortune,
Te tenant dans mes bras j’ai décroché la Lune.

Tremper avec délice ma bouche gourmande,
Aux flots de l’élixir de ta jolie rivière,
Aux délicats parfums de rose et de lavande,
Ceindre de mes lèvres ta précieuse pierre.

Ce rubis flamboyant que ma langue caresse,
M’enivrer de ton vin et boire ta jeunesse,
Faire monter en toi tous les désirs du monde,
Ecouter les soupirs de ta gorge profonde.

Sentir soudain vibrer ton admirable corps,
Avoir tes doigts crispés dans ma noire crinière,
Découvrir en tes yeux éblouis de lumière,
L’abandon de ton cœur et t’en aimer plus fort.

Puis sombrer enfin entre tes jambes ouvertes,
M’engloutir, m’engloutir et m’engloutir toujours,
T’avoir entre mes bras, abandonnée, offerte,
Et connaître avec toi la saga de l’amour.

Me laisser emporter comme sur l’océan,
Au rythme langoureux qui balance tes reins,
Alors que monte en nous l’ivresse du néant,
Mes épaules griffées aux ongles de tes mains.


REMERCIMENTS

Sans jamais montrer un soupçon d’impatience,
Et n’opposant toujours qu’un merveilleux soupir,
En laissant sur ton corps ma caresse courir,
Tu fais naître en mon cœur un regain, d’espérance.

Avec l’âge l’amour voit pâlir sa science,
Et l’ivresse des nuits devient qu’un souvenir,
Alors que devant moi se bouche l’avenir,
Ô! tendre attouchement, preuve de confiance.

Merci d’avoir compris la douleur de mon âme,
Ce pauvre être meurtri par les soins d’une femme,
Qui ne peut que rêver quand il voudrait saisir.

Sans jamais me bercer d’imprudente promesse,
Laissant s’épanouir le songe du plaisir,
Amis sans être amants, ô! éphémère ivresse.


DIVERTISSEMENT

Que l’AN NOUVEAU, amie, vous offres avec ces roses,
Amour, Santé, richesse et beaucoup d’autres choses,
Et qu’en votre couche la vigueur de l’amant,
Fasse vibrer les airs et jamais ne dément,
Le tendre sentiment qu’inspira la beauté,
A l’auteur de ces vers que l’on vous fit porter.

Ne soyez point chagrin, Monsieur, de poésie
Adressée tantôt à Madame votre femme ;
Considérez plutôt qu’en phrase bien choisie,
On puisse, s’il vous plaît, vouloir pour une Dame,
Qu’elle soit bien baisée et que son caractère
Cesse de vous flanquer vos plus beaux jours à terre. 

Par delà les idées, au-delà des rancœurs,
Que la raison se taise et que parle le cœur,
Quand un être s’en va, lorsqu’un homme se meurt,
Il faut de ceux qu’il laisse apaiser la douleur.

Il faut laisser monter vers les cieux leurs clameurs,
Et sans hypocrisie venir sécher leurs pleurs,
Par un geste d’amour, une simple présence,
Leur dire qu’on est là partageant leur souffrance.

Car seule la vraie douleur sait rester muette,
Devant le grand chagrin parole est désuète,
Seul parfois le regard peu être le miroir
De ce qu’au fond du cœur on nomme désespoir.

Pour mieux dire à celui qui perd une âme chère,
Que tu es avec lui souffrant des mêmes maux,
Point n’est besoin ami d’avoir le verbe haut ;
Sois humble à ses cotés, sache surtout te taire.


ATTENTION DANGER

Si vous pouviez un jour, ô! puants journalistes,
Décider de fermer votre infernal caquet,
Et ne plus inonder pour de vils intérêts
L’écran ou les journaux de propos fatalistes.

Fait pour nous informer vous vous battez pour vendre,
Quel que soit le sujet il vous faut un papier,
Afin de le décrire et d’être le premier,
Un infâme ragot pour vous est bon à prendre.

Brandissant l’étendard de liberté de presse,
Vous discourez de tout, de justice et de fesse,
Ignorant du respect de ce qui est privé ;
L’innocent est par vous traîné sur le pavé.

Pour grossir le tirage de votre journal,
On vous voit à la « Une » étaler le scandale,
Sans révéler la source, et aucune morale,
D’immondes calomnies vous orchestrez le bal.

Si vous saviez combien vos erreurs vos outrances,
Sont source de chagrin, de larmes, de souffrances,
Combien est dangereux d’accabler l’innocence,
Et de la justice troubler la transparence.

Prenez garde pourtant que de toujours vouloir,
Vous repaître de tout ignorant tout devoir,
Vous mettiez en péril la grande liberté,
Pour qui vos « Grands Aînés » ont tellement lutté.

Craignez donc le retour du temps de la censure,
Le temps où parler vrai était une aventure,
Et que d’en abuser votre pouvoir d’enquêtes,
Ne retombe à jamais au fond des oubliettes.


REVERIE

N’avoir que mes vingt ans pour honorer Elise,
Caresser ses cheveux, embrasser sa toison,
Sentir mon corps vibrer à perdre la raison,
En cueillant son printemps sur ses lèvres exquises.

Avoir toujours vingt ans, veux-tu que je te dise,
Etre seul l’artisan de sa défloraison,
Recevoir en plein cœur ses cris de pâmoison,
Recueilli comme on l’est au porche d’une église.

Etre encore à vingt ans, pour l’amour d’une femme,
Coucher à ses genoux, y déposer son âme ;
Avoir en son amour la plus grande espérance.

N’avoir pour seul miroir que celui de ses yeux,
L’aimer, l’idolâtrer sans craindre la souffrance,
Et en elle espérer comme on espère en dieu.


LE VOYAGE

On ne prend plus le temps de vivre,
D’apprendre à nous émerveiller,
Et de laisser notre esprit ivre,
Rêver, rêver tout éveillé.
On dit que le bourg nous étouffe,
Que ses quartiers sont surpeuplés,
On ne vit plus que pour la bouffe,
Et on détruit les champs de blé.

Pour vivre heureux à notre époque,
Il faut tout voir, se libérer,
Et on s’entasse, c’est loufoque
Avec nos caisses à rouler.
On a condamné la famille,
On fait sauter tous les carcans,
En nous habillant de guenilles,
Libérons nous en consommant.

On écoute tant ces prophètes,
Nous prédirent tant de malheur,
Que l’on court, court faire la fête,
Pour exorciser notre peur.
Certains appellent cela vivre,
Je dis que c’est nous suicider,
Qu’en donc relirons nous le livre,
Qui nous disait de nous aimer.

Amour, dans notre chambre close,
Je pouvais si bien voyager,
Cueillant sur ta lèvre mi-close,
Ce doux parfum tendre et léger;
Tes seins valaient cent fois les roses,
Le jasmin cueilli en passant,
J’y retrouvais le goût des choses,
Aussi bien qu’au bord d’un torrent.

Ma bouche descendant gourmande
Cherchant ta rivière ombragée,
C’était des senteurs de lavande
Flottant sur une mer salée ;
Lorsque la folle farandole,
Nous emportait bien loin de tout…..
Qu’était alors le Capitole …… ?
De jolies pierres, mais c’est tout.

Faire tinter ton cri sauvage,
Etait pour moi plus important,
Que le vent froissant un feuillage,
Ou d’ouïr gronder l’océan.
Poursuivre avec toi le voyage,
Me redonnait bien mieux que tout,
La joie, la force et le courage,
De vivre dans ce monde fou.

Mais s’arrête ici mon poème,
Car tu es partie ce matin,
N’entendant pas crier « Je T’aime »,
Voulant modifier ton destin.
Va cours, cours, cours à l’aventure,
Je suis seul avec mon chagrin,
Que te soit douce la nature,
Et pas trop cruels les humains.

Chambéry 1982


LE PASSANT

Un vieillard avançait le dos un peu voûté,
Assis là sur un banc je regardais venir,
Celui qui derrière lui traînait ses souvenirs ;
Ses rides contrastaient son regard velouté.

De la froideur du temps il était protégé,
D’une écharpe bleutée, d’un veston usagé ;
Son pas lent hésitant, le faisait avancer,
Tel l’enfant dont le pas ne fait que commencer.

Mon regard le suivit avec sollicitude
Espérant le percer, trahir les habitudes,
De cet homme aux yeux bleus et à la barbe blanche,
Que mon destin croisait en ce triste dimanche.

Je regardais venir figé là sur mon banc,
Cet être qui marchait dans le froid sec et rude,
Il n’était qu’un passant traînant la solitude,
Qui pèse sur chacun avec le poids des ans.


L’Enchaîné

J’irai sur les chemins
Menant à nulle part,
Sans penser à demain
Ni même à plus tard ;
J’irai sur les chemins
En écoutant le vent,
J’irai vers le levant
En te tendant les mains.

Guidé par ma folie,
Tiré par mon destin,
Recherchant l’embellie
De ce feu presque éteint ;
J’irai vers le soleil
Pour découvrir mon ciel,
En suivant une étoile
A la splendeur royale.

Comme l’agneau d’un jour
A l’holocauste offert,
J’irai vers toi, Amour. 


LE BONJOUR DE BOURGOGNE

Que doux est le matin que la bourgogne est belle
Assis au bord de Saône sans souci de l’heure,
Les oreilles tintant d’un chant de tourterelle,
Je guette le poisson s’approchant de mon leurre.
Mais tout en ce faisant mon esprit vagabonde,
Je pense à mes amis que j’ai laissés là-bas ;
Soudain fermant les yeux à peine une seconde,
Ce fixe sur l’écran, formé par mes paupières
L’image de ces faces qui me sont si chères,
Ces trognes de buveurs que mon cœur n’oublie pas.

De vins tout délicieux mon palais se régale,
A la robe écarlate aux saveurs sans égales,
Beaune, Meursault, Pommard, Volnay, ô! noms si doux,
Que l’on ne les prononce jamais qu’a genoux,
Glissez dans mon gosier ô! divins élixir,
Grisant comme baiser de femme qu’on désir.
Et lorsqu’ils accompagnent les soirs de ripailles,
«Pouchouse » « Persillé » ou autres charcutailles,
Ils font monter en moi les mêmes sentiments,
Que pourrait susciter l’amour de deux amants

Vous le savez, pingre n’est point mon caractère,
Aussi veux-je avec vous tout partager en frère,
Et par le truchement d’une missive brève,
M’enivrant du réel, vous transmettre le rêve.
Tout est meilleur dit-on en imagination,
Demandez à Joseph il connaît la question,
Qui malgré tous ses ans que l’on sait avancés,
Trois fois chaque semaine, en toutes positions,
A célébrer « EROS » n’a jamais renoncé.
Et qu’il nous mente un jour, il n’en est pas question.

AMIS, voici l’heure ensemble levons nos verres,
Moi ici, vous là-bas rassemblés sur nos terres,
Fidèle à notre unique et rigoureuse loi,
Amis ! Pensant à vous, à l’AMITIE je bois. 


A MA SAONE

Ainsi te revoilà,
Saône majestueuse,
Qui donc guida mes pas
Sur ta rive ombrageuse ?
Que suis-je venu faire,
Chercher des souvenirs
Ou bien venu refaire
Des bases d’avenir ?

Voici ton cours verdâtre
Avec ses eaux profondes,
Dans lesquelles folâtre
La faune de tes ondes.
Voici donc tes rivages
Brûlés par le soleil ;
Belles sont ces images
Aux doux reflets vermeils.

La Bourgogne n’est pas
Terre de mes aïeux,
Maie d’être auprès de toi
Est un bien si précieux,
Qu’y venant chaque année
Chercher un peu de paix,
Mon âme enracinée
La vénère à jamais.

O ! Saône ma rivière,
Ton courant langoureux,
Tes reflets de lumière
Rendent mon cœur heureux.
Quand je suis sur ta rive,
A te suivre des yeux, 
Mon être à la dérive,
S’élève un peu vers Dieu.


Ballade pour des Jeunots

Vous me dîtes que de nos jours,
Point n’est besoin d’air poétique,
Si l'on veut chanter ses amours,
On peut se passer de musiques ;
Je vous réponds ô fanatiques
Faiseur de bruit, pauvre malade,
Qu pour charmer belle Angélique,
Mieux vaut encore une ballade.

A quoi servent tous ces tambours,
Toutes ces danses hérétiques,
Rappelant des bœufs aux labours;
Il serait, je crois fantastique,
Qu’on puisse avec telles pratiques,
Pousser bien loin son ambassade,
Car pour ouvrir cœur sympathique,
Mieux vaut encore une ballade.

N’usez pas trop de calembour,
A ce jeu leur cœur hermétique,
Bien qu’elles apprécient humour,
Rend son emploi problématique.
Il serait, je pense, utopique
De vouloir pour la roucoulade,
Se montrer trop dithyrambique,
Mieux vaut encore une ballade.

Prince, ayez du vers l’éthique,
Car pour donner la sérénade,
Tel un troubadour romantique,
Mieux vaut encore une ballade. 


La Conquête de l’Ouest


Le ruban s’étirait sur cette plaine aride
Au pas lent des chevaux marchant tête baissée,
Le soleil envoyait telle une guêpe avide,
Ses rayons sur les peaux par ces dards transpercées.

Soufflantes, suantes, les mules sans relâche
Tiraient vers l’avenir que tous voulaient doré,
De longs et lourds chariots coiffés de blanches bâches,
Où les femmes berçaient des enfants éplorés.

Un troupeau les suivait, vaches, moutons et porcs,
Et le tout avançait allant de fort en fort ;
Comme les juifs quittant l’Egypte après Moïse,
Ils cherchaient eux aussi une terre promise.

Venus de l’Italie, d’Ecosse ou bien d’Irlande,
Ils espéraient trouver qui des champs qui de l’or,
A demi-endormis sous leur large houppelande,
Ils rêvaient de l’ouest aux fabuleux trésors.

Mais partis par millier combien sont morts en route,
Sans jamais contempler les lieux tant espérés,
Mourant dans la souffrance et remettant en doute
L’existence d’un Dieu qu’ils avaient vénéré.


Le Cirque de saint Même

Le torrent cascadait au milieu des sapins,
Et l’eau vive dansait en un ballet sans fin,
J’étais émerveillé comme l’ai un gamin,
Lorsqu’il ouvre les yeux sur ses premiers matins.

Le « Cirque » devant moi étalait sa beauté,
La roche grisâtre par le soleil teintée
Faisait comme un écran où était projetée,
Une fresque grandiose aux couleurs de l’été.

Aux pieds de ces rochers montaient comme un nuage,
Les vapeurs soulevées par la chute grondante,
Que traversa soudain telle une flèche ardente,
Un arc-en-ciel venu du plus profond des âges.

Alors je ressentis au « Cirque de Saint Même »,
Devant cette grandeur de la nature sauvage,
Qui se donne jamais sans l’amour en partage,
Peser de tout son poids la petitesse humaine.


L’enfant aux Hirondelles

Enfant, toi qui vois l’hirondelle,
Qui s’envola vers le lointain,
Pour aller quérir d’un coup d’aile,
Un bonheur qu’elle avait en main ;
Rappelle-lui bien que la cage
Qu’elle a quittée était dorée,
Que loin de ce monde sauvage,
Elle aurait put être adorée.

Enfant, raconte-lui l’histoire
De ce garçonnet de sept ans,
Qui sans encore le savoir 
Ne vivra jamais comme avant ;
Dis-lui qu’il aurait voulu être,
Celui qui s’en va à vingt ans,
Rassuré, car à la fenêtre
Il voit enlacés ses parents.

Enfant qui parle à l’hirondelle,
Va-t'en aussi dire à sa sœur,
Qu’elle a son amour auprès d’elle,
Qu’il ne faut pas chercher ailleurs,
Dis-lui que l’oisillon réclame,
La tendresse de ses parents,
Pour réaliser le programme,
Qui fait un homme d’un enfant.

Enfant qui parle à l’hirondelle,
Dis-lui bien que ça n’a qu’un temps,
D’être jeune, amoureuse et belle,
De courir après le printemps ;
A toujours chercher le bonheur,
On s’éveille un matin lassé,
Le souffle court les yeux en pleurs,
De l’avoir souvent dépassé.

Enfant toi qui vois l’hirondelle,
Dis-lui que si de noirs nuages,
Sur sa route un jour s’amoncellent,
Mon amour rouvrira la cage,
Mais dis-lui qu’il vaut mieux pour elle,
De ne pas tarder trop longtemps,
Car je sens ma vie qui chancelle,
Vivrais-je toujours au printemps.

Chambéry 1982


Souvenirs Souvenirs

J’entends toujours les ritournelles,
Qui égayèrent mes amours,
Quand je dansais des tarentelles,
Le long des jardins et des cours ;
Brillaient les yeux des jouvencelles,
Auxquelles je faisais la cour,
Volaient, volaient les hirondelles
Et chantaient, chantaient mes amours.

Je me souviens de la pucelle
Par qui je deviens homme un jour,
Mon Dieu, Mon Dieu, qu’elle était belle,
En devenant femme à son tour ;
Comme le son d'un violoncelle,
Résonne en mon cœur son cri sourd,
Volaient, volaient les hirondelles
Et chantaient, chantaient mes amours.

Mais à courir la bagatelle,
Notre cœur parfois devient sourd,
Aux accents de ces demoiselles
Qui nous invitent à l’amour ;
Se ferme cette citadelle,
Ce pauvre cœur devenu lourd,
Ne volent plus les hirondelles,
Sont oubliés les chants d’amour.


René DOMENGET


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Mise à jour : le 1er février 2005